UJF. Prix Orange et Prix Citron
RÈGLEMENT de COMPTES sur OK JEUNE FILLE…
Dans les années 80, une association de journalistes décerne un Prix Orange, un Prix Citron à plusieurs catégories de professionnels. Cet événement, créé par un publicitaire, avait pour vocation d’honorer les qualités humaines et le talent de chaque personne. J’ai donc décidé (tout seul) de réveiller un peu cette ancienne tradition pour le compte de certains rencontrés lors du tournage du film «Une jeune fille Française» docu-fiction dont le devoir de mémoire fait partie de l’ ADN . Faisons donc deux catégories :
PRIX ORANGE
Catherine Michel. Elle a répondu à mon annonce de recherche d’une tricoteuse pour faire un pull bleu blanc rouge façon années 40. Elle m’a dit : vous payerez le travail et la laine. Puis : vous ne payerez que la façon. Puis elle m’a donné rendez-vous afin d’en parler et j’ai reçu le vêtement sans bourse délier. J’ai oublié de la remercier lors de l’avant-première car elle était présente dans la salle de l’UGC, avec son mari et son fils, alors je le fais ici, dans cette rubrique.
Marc Lamy. Un collectionneur qui vient de Paris avec sa traction Citroën en remorque derrière sa voiture. Il reste une journée sur place, dort où il peut et lorsqu’on lui demande combien on lui doit, au moins pour le carburant, il sourit et dit que c’est pour la cause. Cinq mois plus tard, il était dans la salle à Nancy pour la première, aller-retour 600 kilomètres !
Françoise Lebrun. C’était une amie à l’origine, une amie de 50 ans. Mais là, il s’agissait de choisir des costumes, de les retoucher aux mesures des acteurs et des figurants et même de confectionner une veste de déportée. Elle fit tout cela et bien plus puisqu’elle offrit le gîte, le couvert et le transport à l’actrice venue de Paris durant un week-end d’hiver.
Nadine Beydon. Coiffeuse de son état ,elle coiffera gratuitement l’actrice (enfin sa perruque) puis viendra sur place teindre et recouper ses cheveux pour deux séquences du film. A la question : je te dois combien ? Elle répondra simplement, «Tu rigoles !»
Marien Ziller. Parisien, il est venu sur de nombreux films d’UBC mais la vie l’a rattrapé et la conduit à créer sa boîte de production. Dans ce cas plus temps libre. Lui aussi est venu gratuitement pour moi, pour nous, pour la cause.
Stéphane Jaworski. Ce jeune père de famille travaille dans une boite d’événementiel à l’Est du Grand Est, du coté d’Audincourt où Peugeot règne en maître. Il s’est arrangé pour que son patron oublie de facturer la caméra… et lui, venu avec son épouse maquilleuse, n’a rien demandé de plus que de passer un bon moment avec le groupe et en famille.
Bernard Blancan. S’il avait facturé sa prestation, c’eût été onéreux ; Palme d’Or à Cannes en 2006 pour «Indigènes», personnage récurrent du «Village Français», mais non, là aussi, il a envoyé son agent se promener pendant qu’il venait en matinée interpréter le rôle de Paul sur les quais en face de Notre-Dame à Paris.
D’autre part, je ne parlerai pas de cette bonne âme qui oubliera de nous faire payer le plein de la voiture pour aller louer un costume à Strasbourg
Cet ingénieur du son, que tout le monde reconnaîtra, qui me factures les heures de studio avec une forte réduction et se déplace sur le terrain à moindres frais.
Je ne parlerai pas non plus de de cet autre compère qui passera un an et demi de sa vie à organiser, téléphoner, se déranger, le tout bénévolement, sans jamais exiger quoi que ce soit en retour.
Je n’oublie pas non plus cet autre apôtre qui passera trois jours à «gommer» sur quelques secondes d’images, les éléments de l’architecture d’une ville pour la faire apparaître comme en 1944 !
Et je ne compte pas non plus ceux qui ont prêté leur voix, vélo, voitures, moto, maisons, mairie…
Et cette bonne Anne-Laure Martignac-Barabé, prénom et nom composé et traits d’union pour apporter de la gentillesse, de la compétence et du talent… elle fera le maquillage sur les quais à Paris, la belle figuration à la Tour Eiffel, de la régie en Bretagne avec son compagnon Yann à Rennes et sa copine Camille !
Le devoir de mémoire est une expression qui désigne l’obligation morale de se souvenir d’un fait historique malheureux et de ses victimes afin qu’il ne se reproduise pas.
Les oranges se sentent injuriées quand on leur demande ce qu’on leur doit pour un travail de mémoire…
PRIX CITRON
Association de trains anciens. Située en Moselle, elle acceptait que nous filmions un wagon à bestiaux identique à ceux de la déportation pour un plan de quelques secondes, mais moyennant une facture de 400€. Et d’ajouter que si nous voulions que ce wagon fasse quelques mètres sur le ballast et passe ainsi devant notre caméra, cela ne nous coûterait que 400€ de plus !
SNCF. A Troyes dans l’Aube. Décidément nous sommes fâchés avec les cheminots car à Troyes, on nous demandait 400€ rien que pour poser une caméra devant l’entrée de la gare voyageur, sachant qu’on ne voyait derrière notre actrice qu’un morceau du pilier en plan serré.
Loueur de machine à neige à Vandoeuvre (Meurthe-et-Moselle). Alors lui, c’est Thénardier en personne ! Cet homme honnête ne voulut rien entendre pour réduire la facture de sa machine louée à 400€. Ni le devoir de mémoire, ni la modestie de notre petite association qui ne touche pas de subsides. Il n’ouvrit la bouche que pour faire un courant d’air avec le tiroir caisse. Nous n’avions pas le choix pour filmer un hiver 44 du coté de Berlin. La nuit précédent le tournage, il y avait 20 centimètres de neige dans les Vosges, mais la carte bancaire était trop engagée pour faire demi tour !
Stationnement dans Paris. Cela nous revint à 125€ pour quelques heures devant la Tour Eiffel, mais c’était cela ou pas de plan de la légendaire Tour. La demande de remboursement resta sans réponse, la mémoire, c’est pour les éléphants… en Afrique !
Le Service des amendes Paris 20eme. Pour louer le costume de Bernard Blancan, nous avions eu recours à une entreprise fort sympathique, mais la surprise au sortir de l’établissement professionnel des gens de cinéma le fut nettement moins : un magnifique PV de 35€ ! Ma demande d’indulgence resta sans réponse…
AJECTA. C’est l’association de jeunes pour la conservation des trains anciens. Il nous fallait un plan dans le train de Longueville à Troyes. Nous avions donc prévu, fin août, de monter dans cet ancien train pour leur voyage annuel avec l’actrice et l’équipe afin d’ y effectuer un beau plan en mouvement. Mais les places étaient comptées. Le tarif ? 50€ que multiplie 8 pour le compartiment, 400€, pour 35 secondes. Nous avons alors trouvé une autre solution. Lorsque vous avez un train sur le plan 1 puis une personne dans un compartiment à l’arrêt pour le 2 puis le même train ensuite qui file pour le 3, avec le son de la machine qui traîne sur les trois plans, ça fait très bien l’affaire !
UGC. Belle salle, 176 places mais payée à l’avance. Ce qui fait que chaque fauteuil, inoccupé entre en débit. La demande de remise ne fut pas longtemps à l’étude. Le prestige ayant un coût, le devoir de mémoire attendra !
Alors, 400€ fut vraiment notre chiffre fétiche sur ce tournage. 400 mètres haies bien sûr, d’honneur sans doute !
Le devoir de mémoire est une expression qui désigne l’obligation morale de se souvenir d’un fait historique malheureux et de ses victimes afin qu’il ne se reproduise pas.
Les citrons, eux, se sentent insultés lorsqu’on leur demande une petite réduction même en invoquant le devoir de mémoire.